Lyon, dimanche 25 février 1844.
Riverains mécontents à la Guillotière (1)
Les habitants du cours de Brosses (2) voient avec douleur les envahissements de la ville de Lyon, qui, non contente d'avoir planté ses pavillons d'octroi (3) sur la tête du pont de la Guillotière (4), et sur le territoire de cette commune, vient encore de faire placer un avant-toit sur ces pavillons, de sorte que bientôt le passage de l'escalier sur le quai se trouvera entièrement obstrué et impraticable. M. le maire de la Guillotière prendra sans doute des mesures pour signaler à son collègue de Lyon les inconvénients d'un pareil état de choses.
La semaine suivante dans le même journal...
Nous rappelons à M. le maire la pétition qui lui a été adressée par de nombreux propriétaires du cours de Brosses, et qui lui a été remise, il y a deux mois, en son conseil, par M. Bergé, conseiller municipal. Cette pétition avait pour but d'inviter M. le maire à enlever la station des maraîchers du cours de Brosses, et de la transporter à chaque barrière de l'octroi de la ville. Dès quatre heures du matin en hiver, et trois heures en été, et souvent à deux heures, cette foule de jardiniers qui approvisionnent Lyon affluent de toutes parts et envahissent ce cours avec leurs tombereaux, charrettes, chevaux, ânes, mulets chargés de légumes ; ce sont des cris d'hommes, de femmes, d'enfants ; des coups de fouet, des jurements, des hennissements, des braiments, en un mot, un tapage infernal, qui dure pendant plusieurs heures et enlève le sommeil à cette nombreuse population qui habite ce quartier ; un autre inconvénient non moins grave, ce sont les tas d'ordures que les animaux ainsi que les hommes et les femmes, laissent à leur passage sur ce cours et dans les allées des maisons.
Le Pont de la Guillotière : Source Archives municipales de Lyon
Il nous semble que dans l'intérêt bien compris de la commune, M. le maire devrait ordonner à tous ces maraîchers de s'arrêter, chacun dans la direction d'où ils partent, à chaque barrière de l'octroi de la Guillotière ; on surveillerait par ce moyen, avec plus d'avantage, la fraude qui pourrait se faire. Peu doit importer à tous les jardiniers d'attendre plusieurs heures l'ouverture des barrières de Lyon à tel ou tel endroit. Si M. le maire, comme nous le pensons, rendait un arrêté qui fixât une heure correspondant avec celle de l'ouverture de la barrière de Lyon, jusqu'à laquelle les maraîchers ne pourraient franchir la barrière de l'octroi, tous ces industriels auraient l'avantage de rester couchés un peu plus longtemps chez eux, et de ne pas troubler le repos d'une ville qu'ils traversent pour en approvisionner une autre.
À l'époque où la ville de Lyon n'avait pas encore usurpé le territoire de la commune par la translation de ses bureaux d'octroi (5), cette foule de gens et d'animaux stationnait sur le pont de la Guillotière ; tout ce bruit était emporté par le courant du Rhône ou par le vent. Ce nouvel état de choses est insupportable et tend à déprécier la valeur locative des maisons de ce quartier. Le cours de Brosses est d'ailleurs un assez bel ornement de la ville pour qu'il mérite une attention sérieuse. Nous espérons que M. le maire, dont la sollicitude doit être pour tous les quartiers de la commune, à quelque section qu'ils appartiennent, appréciera les plaintes de ces habitants et voudra bien y faire droit.
Le Pont de la Guillotière vers 1860 - Source Lyon de nos pères (illustré par J. Drevet) - 1901
Pour aller plus loin :
- La Guillotière : Placée sur la route commerçante de l'Italie par Chambéry, elle constituait la frontière entre le Dauphiné et le Lyonnais, elle a même été une commune de l'Isère (dépendante du district de Vienne) en 1793. C'est seulement le 24 mars 1852 que la Guillotière est rattachée à la commune de Lyon.
- Cours de Brosses : Actuellement cours Gambetta
- Pont de la Guillotière : Le plus ancien des ponts lyonnais, il se nommait Pont du Rhône. Il était le lieu de passage obligé de la route commerçante de l'Italie pour ceux qui souhaitaient se rendre à Lyon.
- Octroi : C'est une contribution indirecte perçue autrefois par les municipalités à l'importation de marchandises sur leur territoire. Cette taxe frappait les marchandises les plus importantes et les plus rentables telles que le vin, l'huile, le sucre, le café, etc. (Wikipedia)
- Translation de ses bureaux d'octroi : Ce qui est reproché à la ville de Lyon est le déplacement de son pavillon d'octroi sur la tête de pont (côté rive gauche) du pont de la Guillotière créant, de fait, un gigantesque embouteillage sur le cours de Brosses.
Source : Journal de la Guillotière - Bibliothèque de Lyon Part-Dieu
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